28 mai 2008

EDITORIAL (trimestriel 1 - 2008)

On essaye donc de reprendre, tant bien que mal, un rythme plus en accord avec l’ambition trimestrielle de cette modeste publication. Au menu pas mal de choses super intéressantes, quelques nouveautés et de bonnes nouvelles.

Pour commencer, vous aurez droit à la fin du récit de mon séjour au Pérou et en Bolivie (en espérant que l’intervalle de quelques mois n’ait fait que décupler votre curiosité..). Bruno van de Maat partagera, ensuite, avec nous, ses impressions sur la regrettable direction prise par l’Eglise péruvienne. Vous verrez, d’ailleurs, que ce deuxième article fait parfaitement écho aux propos que j’ai, moi-même, partagé avec un religieux belge qui souffre directement des options idéologiques qui guident la hiérarchie ecclésiastique actuelle.

A continuation, quelques lignes mêleront des réflexions et des interrogations personnelles à un aperçu de la situation politique en Bolivie. Danielle Miterrand nous fera, quant à elle, part de son inquiétude face aux méthodes utilisées par l’opposition contre le gouvernement d’Evo Morales. Puis, c’est Jean Claesen qui nous donnera quelques nouvelles fraîches au sujet du projet éducatif Niedelbarmi.

Nous reviendrons au Pérou par la voix d’un intellectuel péruvien qui s’insurge face à l’hypocrisie et l’attentisme du gouvernement d’Alan Garcia qui n’a, de gauche, pratiquement que le nom. Pour terminer, Julien Lefèvre, un jeune belge qui a passé ces dernières années en Amazonie péruvienne, vous dira quelques mots sur le travail réalisé sur place pour tenter de venir en aide aux enfants de milieu défavorisé.

Au rayon nouveauté j’espère que vous apprécierez une nouvelle rubrique intitulée “El rincón de las cosas buenas” (“Le coin des bonnes choses”) dans lesquelles nous vous présenterons un choix musico-culinaire !

Nous vous espérons nombreux et nous vous souhaitons un tout tout bon printemps !

Thomas de Roubaix.

El rincón de las cosas buenas...!

RETOUR AUX SOURCES… ENVIE DE RIVIÈRES (partie 2)



Bien qu’il fût difficile de mettre fin à ce retour aux sources norteño, nous sommes repartis vers Lima pour ensuite prendre la direction du sud du pays, en commençant par Cuzco. Bien sûr, nos motivations étaient, cette fois, plus classiquement touristiques mais nous en avons, malgré tout, profité pour rencontrer des personnes bien intéressantes.

A Cuzco, nous avons été accueillis par Isabelle Beaufumé, une des fondatrices de l’association Qosqomaki[1], qui est active, auprès de la communauté locale, par le biais de deux "services": une bibliothèque et un dortoir pour enfants et adolescents de la rue. L’association comprend, par ailleurs, un atelier de menuiserie et une boulangerie. Bien que nos échanges avec Isabelle aient été assez limités, nous avons pu prendre conscience de certaines difficultés rencontrées, dernièrement, avec la municipalité de Cuzco. Suite à l’arrestation d’un adolescent qui loge dans le dortoir, pour avoir, supposément, consulté des sites pornographiques dans un cybercafé (ohhh grand crime !), des membres de l’association ont découvert les terribles conditions dans lesquelles ce jeune avait été détenu et ont donc porté plainte. Du coup, la municipalité semble avoir décidé de mettre des bâtons dans les roues de Qosqomaki en menant des contrôles administratifs étrangement plus pointilleux que pour les autres établissements.

L’autre bonne rencontre à Cuzco a été bien plus fortuite. Grâce au Guide du Routard, nous avons dégoté un petit bar-resto bien sympa que je conseille d’ailleurs à tous. Si je vous parle de cela ce n’est pas pour des raisons gastronomiques mais parce que cet endroit fait partie d’un original projet du nom de Aldea Yanapay[2]. Grâce à une conversation avec son jeune fondateur (il doit avoir maximum 30 ans et est originaire de Cuzco), nous avons pu apprécier pleinement cette belle idée qui associe un projet éducatif, un accueil de volontaires (péruviens et étrangers), un bar-restaurant et une sorte de maison d’hôte. Créé il y a à peine 3 ans, ce projet ne cesse de prendre de l’ampleur et parvient, pour l’instant, à remplir un de ces objectifs principaux, à savoir, être autosuffisant. Nous avons été séduits par le discours de ce jeune type plein d’idées et par l’esprit qui règne au sein de l’école de devoirs que nous avons visité. Ca donne qu’une envie : se bouger pour de vrai et se dire que, tout compte fait, c’est peut-être pas aussi compliqué qu’on ne le croit de créer des projets qui marchent !

Notre deuxième étape au sud nous a fait traverser la frontière pour nous rendre à la capitale bolivienne, où nous attendait un personnage haut en couleurs que vous connaissez probablement: Juan Claessens. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne mène pas un rythme de vie habituel pour une personne de son âge (plus de 80 ans). Le voir conduire dans cette ville à la circulation bien latino, avec tout ce que cela implique, est un délice ; le voir répondre à un policier qui tente de lui extorquer de l’argent pour une supposée (voire réelle) infraction que:"la bénédiction divine vaut largement plus qu’une amende", avant de redémarrer, sans attendre réaction de son interlocuteur (resté bouche béé, sourire aux lèvres…) est un régal.

Mais, il y a plus, il y a le projet qui fait que Juan, en réalité, n’est "pas prêtre nom de dieu mais éducateur", le projet Nidelbarmi[3]. Celui-ci nous a bien plu par l’originalité et la créativité des jeux créés et fabriqués mais, il nous a, aussi, un peu inquiété par sa dépendance envers un homme, assez exceptionnel certes, mais homme tout de même et avec un âge avancé qui plus est.

De retour au Pérou, nous avons fait une dernière halte à Chucuito, en compagnie de Simon-Pierre Arnold. Dans un style bien différent, ce religieux belge est, depuis longtemps, impliqué dans une labeur pastorale et théologique en accord avec les principes de la théologie de la libération (en deux mots : une église pour et avec les plus démunis). Ce que je retiens de plus frappant de notre discussion est le contraste entre son optimisme quant à l’avenir socio-économique péruvien et son pessimisme, sa déception face à la direction prise par l’église catholique au Pérou. C’est, avec amertume, qu’il nous expliquait que l’Opus Dei et le Sodalicio de la Vida Cristiana (une sorte de version péruvienne de l’Opus) étaient de plus en plus influents dans le pays. A titre d’exemple, toutes les nominations récentes d’évêques l’ont été en faveur de membres de ces deux organisations. Les effets s’en font durement sentir. Le long travail de rapprochement, ou plutôt de mise à jour, de valorisation des croyances, des rituels andins qui, depuis toujours, coexistent avec la religion catholique a ainsi été balayé, en quelques mois, par cette hiérarchie ultraconservatrice pour qui cela est, tout simplement, inconcevable. A ce propos, j’en profite pour conseiller aux hispano lecteurs l’ouvrage, récemment publié par le fils des premiers amis cités dans cet article, Jaris Mújica, qui analyse, entre autres, la structure et le discours des deux organismes catholiques conservateurs évoqués ci-dessus[4].

J’en ai fini avec ce récit qui, je l’espère, vous a, quelque peu, intéressé. En tout cas, pour moi, ce voyage a été plus qu’un simple retour aux sources, cela a été une confirmation d’un vieux rêve : celui de suivre, en partie, les traces de mes parents (et oui… il faut l’admettre sans gêne…), celui de vivre une partie de ma vie en Amérique Latine, celui de soutenir ce type de projets et vous motiver à continuer à le faire ! Je suis, en effet, plus convaincu que jamais, qu’il existe des initiatives, bien qu’humbles et de petite envergure, qui font une réelle différence et valent le coup d’être soutenues !



[2] Voir http://www.aldeayanapay.org/ (la page existe en espagnol et en français).

[3] Voir un article en français présentant Nidelbarmi sur http://familleautourdumonde.free.fr/amsu2002/pages/nidel.html + extraits d’une lettre de Jean Claessens ci-dessous…

[4] J. MUJICA, Economia Política del Cuerpo (La reestructuración de los grupos conservadores y el biopoder), Lima - 2007.

Tensions au sein de l’Eglise péruvienne.

DIAL[1] a demandé à Bruno Van der Maat, théologien laïc vivant à Arequipa, au Pérou, depuis 25 ans, de revenir sur les tensions auxquelles sont en proie les diocèses Sud-andins du pays. […]

epuis un certain temps, la situation de l’Église dans la partie sud-andine du Pérou se trouve bousculée par des événements qui choquent une bonne partie des fidèles et de ceux qui s’intéressent à cette région. La récente discussion entre le prélat-évêque de Juli et les prêtres de la Société de Maryknoll, originaire des États-Unis, a fait des remous. Les prêtres de la Société de Maryknoll se sont établis dans cette prélature située à près de 4 000 mètres d’altitude, en pleine population de culture aymara, en 1943. Depuis lors, ils ont œuvré dans la pastorale menant une évangélisation qui s’est orientée vers le respect de la culture locale et le développement d’une des régions les plus pauvres du Pérou.

Le 1er juillet 2006, le nouvel évêque, José María Ortega, prit possession du siège de la prélature de Juli, en succession de Mgr Elio Pérez, évêque salésien, gravement malade (celui-ci décéda en décembre de la même année). L’arrivée du nouvel évêque, appartenant à l’Opus Dei, marque une rupture avec la tradition épiscopale locale. […] Les prélats antérieurs (diocésains, carmélites, dominicains, salésiens, maryknoll et autres) avaient tous soutenu une perspective d’évangélisation en dialogue avec les cultures locales (quechua et aymara), une politique de défense des droits humains (rappelons que le Sud andin a été fortement touché par le terrorisme de Sentier Lumineux et la répression d’État) et un effort de développement dans la lignée de la doctrine sociale de l’Église, prenant très au sérieux l’option préférentielle pour les pauvres.

Depuis quelques années, ils ont été remplacés par des évêques d’une toute autre vision théologique et appartenant à des mouvements ecclésiaux de tendance néo-classique, comme les aurait qualifiés P.Henri Bourgeois : Opus Dei, Sodalitium Christianae Vitae, Chemin du néo-catéchuménat. Il est normal qu’un tel changement fasse des remous. […] Le groupe le plus nombreux parmi les évêques du Sud du Pérou est, sans aucun doute, l’Opus Dei. Il gère, actuellement, la plupart des diocèses depuis Lima jusqu’à la frontière chilienne […] Si on y ajoute un évêque dans le nord du pays, cela fait au total 11 évêques actifs sur 50 qui forment la Conférence épiscopale du Pérou. C’est un poids que beaucoup critiquent. Aucune congrégation n’a jamais eu une représentation aussi écrasante dans la Conférence épiscopale. En outre, l’Opus Dei n’est vraiment pas un mouvement de masse, ce qui justifie, encore moins, leur poids au niveau épiscopal. Un autre mouvement récompensé pour ses "services" par un (archi)diocèse est le mouvement d’origine péruvienne (mais présent dans bon nombre de pays latino-américains et bien implanté à Rome) Sodalitium Christianae Vitae qui a deux évêques […]

Ces mouvements paraissent avoir, tous, la même politique quand ils obtiennent la charge d’un diocèse. Selon les dires des nouveaux évêques […], ils viennent pour "enfin" instaurer l’Église et sauver les âmes perdues. Ils constituent le début de la présence ecclésiale, car, avant eux, rien (de bien) n’a été fait.

Normalement, ils arrivent avec un groupe de soutien important (universités et professionnels de leur mouvement, ressources financières, moyens de communication, etc.). Le clergé local passe en second lieu, après les membres du mouvement. La population locale est considérée majoritairement comme inculte et non-évangélisée, au point qu’on lui refuse la communion. La culture locale est dédaignée comme païenne et infestée de superstitions. Il n’y a pratiquement pas d’espaces de dialogue, car les nouveaux venus sont propriétaires de "LA" vérité. La communion ecclésiale est entendue comme l’obéissance stricte à l’évêque. Il n’y a pas d’intérêt pour la promotion de projets en commun, par exemple avec les diocèses voisins.


Depuis l’arrivée de ces nouveaux évêques, l’Institut de pastorale andine, qui avait été formé par tous les évêques de la région pour étudier les cultures locales et adapter l’action de l’Église à ces cultures, ainsi que pour coordonner des actions pastorales au-delà des frontières de chaque prélature, a pratiquement été démantelé. La parution des revues Pastoral andina et Allpanchis, qui avaient acquis un grand prestige national et international, de par la qualité de leurs études pastorales, anthropologiques et sociologiques, a été suspendue, et elles seront remplacées par des revues de contenu strictement "catéchétique et liturgique". […]

Après près de cinq siècles, l’Église péruvienne continue à être une Église dépendante de l’étranger. Sur les 50 évêques, 31 sont nés à l’étranger, 41 sont religieux ou appartiennent à des mouvements – l’Opus Dei est en tête de liste, avec 11 évêques, suivi par 7 Franciscains et 6 Augustins. Sur les 50 évêques actifs, 19 évêques sont donc nés au Pérou, et 3 seulement sont diocésains !


De même, la plupart des prêtres au Pérou sont nés à l’étranger. Cela en dit beaucoup sur la structure de l’Église péruvienne. Les divers nonces apostoliques ne se sont pas vraiment efforcés de changer cette structure ; au contraire, ils l’ont rendue plus solide. La nomination récente d’évêques appartenant à des mouvements a compliqué la situation. Les diocèses deviennent des fiefs de certains mouvements, perdant le souci de la communion de l’Église. Chacun veut installer son propre séminaire et sa propre Université catholique, si possible. Quand un prêtre diocésain a demandé à un de ces nouveaux évêques s’il était évêque du diocèse ou de son mouvement, celui-ci a répondu que "le nonce avait pleine confiance dans les nouveaux mouvements". […]


[1] Diffusion de l’Information sur l’Amérique Latine. Voir : http://www.alterinfos.org/

La Bolivie : entre espoirs et inquiétantes tensions…




par Thomas de Roubaix

Ci-dessous, je vous fait part de quelques réflexions personnelles sur la politique latino américaine et sur la situation bolivienne en particulier.



Il y a un petit temps déjà qu’une question me chiffonne concernant la politique latino-américaine[1]. Comment arriver à se faire une petite idée, la plus objective possible sur la "valeur" de tel ou tel gouvernement ? Plusieurs facteurs rendent, à mon sens, la tâche particulièrement ardue. Pour commencer, le fait de ne pas résider dans le pays en question et, à fortiori, de ne pas en être originaire ne facilite pas les choses. Ensuite, l’évidence que nos affinités idéologiques, ainsi que celles de nos sources d’information, rendent l’objectivité bien relative. Enfin, la sensation que, plus un gouvernement semble original, plus on entend tout et son contraire à son sujet !


Où situer alors un gouvernement tel que celui de Evo Morales, “premier président indien”[2], dont l’arrivée au pouvoir il y a deux ans et demi était, pour une personne de gauche comme moi (pour faire simple et utiliser un terme global), porteuse d’espoirs ? Comment puis-je interpréter les commentaires contradictoires que j’entend, ci et là, alors que je suis loin d’être un spécialiste de politique internationale mais que ça m’intéresse quand même ? Comment ne pas réduire mon jugement à ce que mon papa m’en dit ou à ce que je lis (quand je m’applique) dans Le Monde Diplomatique.


Je vous préviens tout de suite, je risque fort de ne pas répondre à ces questions, leur raison d’être est, avant tout, susciter la réflexion. Pour ce faire, je voudrais dire quelques mots sur l’affiche électorale ci-dessous.

[3]


Il s’agit de l’affiche d’un des six candidats à la présidence au Paraguay, Lino. Celui-ci s’attaque à un autre des candidats de l’opposition, Lugo[4], en établissant, avec beaucoup de liberté, deux camps : celui de la Négociation (qu’il incarne, tout comme le brésilien Lula et l’argentine Kirchner) et celui du Conflit (qu’incarnent son opposant, ainsi que le vénézuélien Chavez et le bolivien Morales). Le camp de droite (sur l’image) garantit qu’avec lui nous gagnons tous, contrairement à celui de gauche avec lequel nous perdons tous. Il présente un programme clair fait de six promesses (qu’il attribue, du même coup, aux deux présidents de son "bord") face à leur strict contraire, tares de l’autre camp[5]. Je trouve cette affiche très parlante dans la mesure où elle présente, de façon subjective et un peu simpliste, deux camps qui correspondraient à deux grandes tendances de la gauche latino-américaine.


On pourrait résumer cette vision à une aile argentino-brésilienne “raisonnable” et une aile vénézuélo-bolivienne “radicale”. Mais, évidemment, tout est, souvent, une question de point de vue. Pour certains, il s’agit d’une tendance “réaliste et mesurée” contre une “chimérique et extrémiste”. D’autres parleront de gouvernements faisant preuve de “lâcheté”, “lenteur dans le changement”, “attitude pactisante” face à ceux qui témoignent de “courage”, “jusqu’auboutisme”, “détermination”. Bien sûr les choses sont rarement aussi manichéennes…mais cette dichotomie est révélatrice de ce que les médias, de tout bord, présentent et c’est pourquoi il est si périlleux de porter un jugement.


Qu’en est-il donc de la Bolivie de Evo? La situation est, semble-t-il, inquiétante. Les tensions s’avivent de jour en jour. Le pays est de plus en plus divisé. Deux ans après son arrivée à la tête de l’Etat, la situation politique est bloquée, son projet de nouvelle Constitution très contesté, et les riches régions pétrolières et agro-industrielles de la “media luna(les départements orientaux forment une demi-lune), cœur économique du pays, ont, “de fait”, proclamé leur autonomie.[6] Fin 2007, les débats autour de la nouvelle Constitution ont donné lieu, à Sucre, à des affrontements meurtriers (entre forces de l’ordre et mouvements d’opposition). Le parti du président (MAS, Mouvement vers le socialisme) a voté, dans l’urgence et en l’absence de l’opposition, un projet constitutionnel délégitimé par celle-ci vu qu’il n’a pas obtenu la majorité des deux tiers légalement nécessaires. Cette transgression des règles démocratiques, révèle la nécessité éprouvée par le gouvernement de “passer en force” sur un certain nombre de projets contestés.


Or ce “passage en force” risque de provoquer le rejet d’un projet de nouvelle Constitution qui comporte des avancées historiques en matière de construction d’un “Etat plurinational communautaire”, décentralisé, autonome et démocratique, et qui reconnaît enfin les droits des populations “originaires”[7]. […] Les événements récents montrent que, sous prétexte de dénoncer la “dérive autoritaire” et la “suspension de la démocratie
, unpopulisme conservateur peut utiliser les règles démocratiques (et parfois des moyens qui le sont beaucoup moins) pour bloquer toute tentative de changement. […] Le MAS se trouve confronté à un délicat dilemme : à mesure qu’il renforce la place spécifique du monde rural, il prend le risque de s’aliéner une population urbaine toujours plus séduite par la rhétorique anti-indienne d’élites régionalistes qui ont tout à perdre avec le nouveau texte constitutionnel.


Bien que dans nos pays cela semble plutôt inconcevable et que je sois un partisan convaincu du bien-fondé de la démocratie, la réalité latino-américaine rend parfois le questionnement “la fin justifie-t-elle les moyens ?” plus légitime et complexe qu’il n’y paraît (et ce n’est pas l’histoire politique latino-américaine du XXème siècle qui dira le contraire…)…Comme annoncé je ne réponds à aucune des questions de départ et je termine par une citation que je trouve plutôt appropriée :

Les medias donnent à voir, pas à réfléchir, encore moins à comprendre. L'image ment lorsqu'elle isole.(Paul Lombard)

[1] Bien que ces réflexions puissent probablement s’appliquer à toute politique, mon intérêt se porte plus souvent vers cette région du globe (affinités oblige…).

[2] Cette expression souvent entendue doit être relativisée en rappelant, par exemple, que l’Indien Zapotèque Benito Juarez fut président du Mexique pendant le XIXème siècle.

[3] Extrait du site d’information vénézuélien Noticias24 , voir www.noticias24.com/actualidad/?p=13238#more-13238

[4] Il y a une semaine, celui-ci a remporté les élections !

[5] Non respect des contrats >< Respect des contrats

République bolivarienne >< Réformes structurelles

Crise économique >< Croissance économique

Manque de travail >< Travail

Fuite de capitaux >< Investissements

Plus de chômage >< Plus d’emploi

[6] Ce passage et ceux qui suivent sont extraits (et oui) d’un article du Monde Diplomatique (“Révolution hors la révolution” en Bolivie, février 2008 – pp.18-19).

[7]Est considérée comme nation ou peuple indigène originaire toute collectivité humaine qui partage identité culturelle, langue, tradition historique, institutions, territoire et cosmovision, dont l’existence est antérieure à la colonie espagnole” (art.30).

En Bolivie, la démocratie en péril !

(par Danielle Mitterrand )[1]



Aucune démocratie n'est une île. Les démocraties se doivent mutuellement assistance. J'en appelle à nos dirigeants et à nos grands organes de presse : oui, je l'affirme, la jeune démocratie bolivienne court un mortel danger.

En 2005, un président et son gouvernement sont largement élus par plus de 60 % des électeurs, alors même qu'une grande partie de leurs électeurs potentiels, indigènes, ne sont pas in

scrits sur les listes électorales, car ils n'ont même pas d'état civil. Les grandes orientations politiques de ce gouvernement ont été approuvées massivement par référendum avant même cette élection, et notamment la nationalisation des richesses naturelles pour une meilleure redistribution et la convocation d'une Assemblée constituante.

Pourquoi une nouvelle Constitution est-elle indispensable ? Pour la raison bien simple que l'ancienne Constitution date de 1967, une époque où, en Amérique latine, les populations indigènes - qui représentent en Bolivie 75 % de la population - étaient totalement exclues de toute citoyenneté.

Les travaux de l'Assemblée constituante bolivienne ont été, depuis les origines, constamment entravés par les manoeuvres et le boycottage des anciennes oligarchies, qui ne supportent pas de perdre leurs privilèges économiques et politiques.

L'opposition minoritaire pousse le cynisme jusqu'à travestir son refus de la sanction des urnes avec le masque de la défense de la démocratie. Elle réagit par le boycottage, les agressions dans la rue, l'intimidation des élus, dans le droit-fil des massacres perpétrés sur des civils désarmés par l'ancien président Sanchez de Lozada en 2003, lequel est d'ailleurs toujours poursuivi pour ces crimes et réfugié aux Etats-Unis. A la faveur d'un chaos soigneusement orchestré, renaissent les menaces séparatistes des provinces les plus riches, qui refusent le jeu démocratique et ne veulent pas "payer pour les régions pauvres".

Des groupes d'activistes néofascistes et des bandes paramilitaires subventionnées par la grande bourgeoisie et certains intérêts étrangers installent un climat de peur dans les communautés indigènes. Rappelons-nous ce que sont devenus la Colombie et le Guatemala, rappelons-nous surtout la démocratie chilienne, assassinée le 11 septembre 1973 après un processus identique de déstabilisation.

On peut tuer une démocratie aussi par la désinformation. Non, Evo Morales n'est pas un dictateur. Non, il n'est pas à la tête d'un syndicat de trafiquants de cocaïne. Ces images caricaturales sont véhiculées chez nous sans la moindre objectivité, comme si l'intrusion d'un président indigène et la montée en puissance de citoyens électeurs indigènes étaient insupportables, non seulement aux oligarchies latino-américaines, mais aussi à la presse bien pensante occidentale.

Comme pour démentir encore plus le mensonge organisé, Evo Morales appelle au dialogue, refuse d'envoyer l'armée et met même son mandat dans la balance.

J'en appelle solennellement aux défenseurs de la démocratie, à nos dirigeants, à nos intellectuels, à nos médias. Attendrons-nous qu'Evo Morales connaisse le sort de Salvador Allende pour pleurer sur le sort de la démocratie bolivienne ?

La démocratie est valable pour tous ou pour personne. Si nous la chérissons chez nous, nous devons la défendre partout où elle est menacée. Il ne nous revient pas, comme certains le prétendent avec arrogance, d'aller l'installer chez les autres par la force des armes ; en revanche, il nous revient de la protéger chez nous avec toute la force de notre conviction et d'être aux côtés de ceux qui l'ont installée chez eux.


[1] Présidente de France Libertés, cet article a été publié dans Le Monde le 21 décembre 2007.

Mendiants en attente?

(par Javier Diez Canseco)[1]


Six mois après le séisme, la grande majorité des personnes affectées continuent d’attendre. Ils attendent la reconstruction, l'aide effective de l'État pour reconstruire leur maison, leur économie, leur vie. Le président García n’a pas eu de meilleure idée, en guise de justification, que d’annoncer que plusieurs pays ont promis 107 millions de dollars, mais que seuls 7 de ces millions sont arrivés (bien éduqué envers ses "amis", il n'a pas précisé qui avait donné et qui non). Et c'est pourquoi, dit-il, le Forsur[2], qu’il a créé, n’a pas résolu ce qu’il aurait dû.

Une fois de plus, le conte du "mendiant assis sur une banque d'or". Pour García, il est naturel d'attendre six mois la solution venue de l’extérieur, la donation, et de ne pas se baser sur nos ressources et nos capacités. Sommes-nous vraiment un pays mendiant, sans ressources ni alternatives ?

En 2007, l'économie a connu une croissance de 8.9% et les économistes nous disent que nous assistons à sept années de croissance continue. C'est-à-dire que, l'année du séisme, le Pérou a produit plus et a dû récolter plus pour pallier à ses nécessités et urgences, ne pas attendre charité. Mais, entre 2006 et 2007, le gouvernement a réduit les impôts ou les tarifs à l'importation de milliers de produits étrangers, en cessant d’amasser 500 millions de dollars (cinq fois plus que ce qu'Alan réclame aux donneurs étrangers). En 2007, il a aussi négligé sa promesse d'établir l'impôt sur les surprofits miniers, qui aurait généré, dans cette même période, plus de 5000 millions de dollars, c'est-à-dire, 50 fois ce qu'il réclame aux donneurs négligents.

Il n’a pas, non plus, revu ou renégocié les inacceptables contrats de concession de nos ressources naturelles. Il est un fait, donc, qu'il y a des ressources - abondantes qui plus est - mais, à la fois, il n’y en a pas!

[3]

"Le pays" croît depuis des années mais la pauvreté continue à tuer lentement 45% des péruviens, et l'écart entre riches et pauvres s’agrandit. Cela veut donc dire que "le pays" ce n’est pas nous. Ne voyons-nous pas comment s’enrichit une poignée de grandes entreprises, principalement étrangères, tandis qu'une majorité des péruviens ne voient rien de cette richesse ?

Les gens protestent en raison de la hausse du coût de la vie. Le gouvernement réduit les impôts à l'importation, mais des groupes de commerçants mangent la réduction et les prix ne baissent pas, tandis que le gouvernement observe, impassible, comment grossissent les apôtres qui s'asseyent à la table du Palais. […]

[4]

Le "sauvetage venu de l’extérieur" est quelque chose en quoi, chaque fois, moins de péruviens nous croyons. Nous sommes nombreux à être fatigués que nos ressources naturelles servent à enrichir les autres et non à générer richesse et emploi dans le pays. Nous vendons des matières premières et nous ne les transformons pas industriellement, ni ne produisons la machinerie et la technologie pour les exploiter. Tout vient du dehors et le profit s’en va dehors, au lieu de créer emploi et développement au Pérou.

Nous n'investissons pas, non plus, en science et technologie pour profiter de la gigantesque banque biogénétique que nous avons au Pérou. Avec raison, les peuples de l'Amazonie protestent contre la prétention gouvernementale de vendre - en lots de dizaines de milliers d'hectares - notre forêt vierge, pour qu'elle soit exploitée par de grandes entreprises étrangères avec l'argument qu’il s'agit de terrains en friche et sans arbres.

Avec raison, les habitants de Cuzco ont résisté à la prétention de livrer en concession à de grandes chaînes hôtelières les terrains adjacents aux ruines archéologiques[5], en sachant les corruptions auxquelles cela se prête avec un État qui n'est pas soumis au contrôle des citoyens et ne fait preuve d’aucune transparence.

Les gens seraient-ils fous quand ils se fâchent parce qu’on veut vendre le gaz de Camisea[6] au Chili alors que la grande majorité des péruviens ne peut même pas l’utiliser pour avoir de l'énergie ou des transports bon marché ? Pire encore, quand l’Etat chilien s'approprie de notre mer territoriale impunément et le gouvernement apro-fujimoriste de García soutient que le commercial et le politique suivent des chemins séparés. […]

Il est temps de freiner ce "Président" qui met aux enchères et vend aux soldes notre patrimoine et le destin national, temps de changer le cours des choses et de récupérer notre futur. Sommes-nous des mendiants attendant, par charité, un futur, ou un peuple capable d'assumer la construction de son destin ?


[1] Article paru dans La República (18/02/2008)

[2] Fonds pour la Reconstruction du Sud.

[3] - Qui a dit qu’il n’y avait pas moyen ? Nous volons rien qu’avec l’aile droite et nous le faisons bien mieux, Alan !

- Tu as raison, Rafael, dans ce type de transport l’aile de gauche ne sert qu’à causer des problèmes !

[4] Soyez tranquilles, votre président est de retour, avec 2 solutions face à la hausse des prix. La 1ère : calme et sérénité. La 2de : nous allier avec le Japon et la Chine. Vous voyez que tout s’arrange ?

[5] L’exploitation du Machu Picchu, par exemple, est déjà aux mains d’une compagnie étrangère qui fait payer des prix tout à fait exorbitants sans que cela bénéficie vraiment la population locale ! Voir à ce sujet :

http://www.espaces.qc.ca/espaces/html/actualites/novembre2004/actualites86.shtml

[6] Depuis 2004 ces importants gisements de gaz de la région de Cuzco constituent la ressource énergétique n°1 du pays.

26 mai 2008

Lorsque les enfants sont les victimes : un autre regard sur l’Amazonie péruvienne

(par Julien Lefèvre)



La “Defensoría de los niños, niñas y adolescentes” de Mazuko, situé dans la partie amazonienne au sud du Pérou, travaille pour le respect des droits des enfants. En partenariat avec l’“Albergue Juvenil”, dont l’objectif est la formation d’enfants issus de familles agricoles, elle recueille temporairement des jeunes en situation d’abus. Grâce à l’association Huarayo, qui coordonne ces deux projets, et au soutien de Terre des Hommes – Suisse, un autre avenir est possible pour ces jeunes.


Durant trois semaines, d’autres rires retentirent à l’Albergue Juvenil de Mazuko. Ceux de Dayana, une petite fille d’un an et huit mois. Mais, également, ceux de Roxana, douze ans, et Adali, onze ans. Leur présence fut le résultat de circonstances bafouant entièrement le respect de la vie de ces jeunes filles.


Dayana arriva à Mazuko fin février 2007, avec sa maman et de son beau-père, ayant fait le trajet en moto depuis Satipo, non loin de Huancayo. Ana, sa jeune mère âgée de 20 ans, y laissa son premier enfant en compagnie de son père. Comme beaucoup d’autres, ils vinrent probablement à Mazuko à la recherche d’un travail mieux rémunéré, attirés par les mines d’or ou par les quelques postes offerts par l’entreprise qui se charge de construire la future route interocéanique joignant la côte brésilienne à celle du Pérou. Deux mois après leur arrivée, les voisins se présentèrent à la Defensoría de los niños y adolescentes dans l’intention de signaler la présence d’un bébé qui ne cessait de pleurer toute la journée.


En effet, Dayana restait seule, sans la présence de sa maman ou de son beau-père. Ce dernier lui administrant des somnifères pour plus de tranquillité, lorsqu’il était à la maison. Face à cette situation, les voisins se proposèrent pour s’en charger la journée, tandis que la mère était absente et qu’elle ne se souciait guère, à son retour, de savoir si la petite avait mangé ou dormi. Un jour, ils constatèrent que Dayana avait les parties génitales enflées et consultèrent de nouveau la Defensoría, supposant qu’elle avait été abusée sexuellement. Un examen médical révéla une inflammation due à une plante urticante : un moyen que le beau-père utilisait en guise de punition. Elle souffrait également de diarrhées, de déshydratation et de bronchite. Dayana resta, alors, deux semaines chez ses voisins, jusqu’au jour où sa maman, prétextant un voyage à Puerto Maldonado, ne revint pas auprès de sa fille. Enceinte d’un mois, elle quitta Mazuko en compagnie du beau-père, de deux fois son âge. Ne pouvant s’en occuper plus longtemps, les voisins apportèrent la petite à la Defensoría. Après avoir acté l’abandon au commissariat, la Defensoria se chargeât, alors, d’héberger l’enfant, le temps que l’Administration prenne une décision.


Le jour avant l’arrivée de Dayana, une gérante de compagnie de taxis se présenta un matin à la Defensoría, en compagnie de deux jeunes filles. Celles-ci comptaient se rendre à Puerto Maldonado pour y chercher du travail mais n’avaient pas de quoi payer le voyage.[...]

A l’âge de sept ou huit ans, Adali vivait en compagnie de sa mère et de son beau-père. Tandis que sa maman était de voyage, l’homme se retrouva seul avec la jeune fille. Alors qu’Adali lisait son livre après le repas, le beau-père lui mis la main sur la bouche, la mena au lit et la viola. Celle-ci ne dit rien au retour de sa maman, l’homme menaçant de la tuer si elle dévoilait l’horrible secret. Elle alla, ensuite, vivre chez sa grand-mère à Combapata, près de Cuzco, jusqu’à l’âge de dix ans, pour revenir auprès de sa maman qui avait déménagé pour Delta-Uno. Alors que le beau-père était absent de plusieurs jours, la maman apprit le sort de sa fille et en parla avec elle. Cependant, se souvenant de la menace qui planait sur elle, Adali prit peur et s’enfuit en compagnie de sa meilleure amie.

Roxana arriva à Delta-Uno en décembre 2006 pour étudier auprès de sa sœur aînée. Alors que cette dernière était de voyage à Puerto Maldonado, pour des raisons de santé, son mari rentra un soir, saoul, et pénétra dans la chambre de la jeune fille. Il s’installa sur le lit où Roxana dormait et abusa d’elle. Par la suite, le beau-frère instaura un climat d’intimidation tel, qu’elle ne pu confier à sa sœur ce qu’il s’était passé. Le jour de leur départ, Adali et Roxana rencontrèrent la sœur dans la rue, qui réprimanda sa cadette. Elles rejoignirent, alors, la maison d’Adali pour y prendre quelques vêtements et se mirent en route pour Mazuko. Le lendemain matin, les deux jeunes filles rencontrèrent, à la compagnie de taxis, une dame qui leur proposa du travail à Puerto Maldonado. Sans l’intervention de la gérante et de la Defensoría, il est probable qu’Adali et Roxana se soient retrouvées dans un réseau de prostitution de la capitale du département.

En plus d’offrir un toit aux jeunes filles, la Defensoría entama les démarches afin que l’administration civile les orientent vers une institution appropriée. Elle apporta sa protection contre d’éventuelles représailles des personnes incriminées mais, aussi, un encadrement aux entrevues avec les parents. Ainsi, le soir du mercredi 04 juillet 2007 s’en allèrent Dayana, Adali et Roxana, en compagnie d’une assistante sociale en direction de foyers à Cuzco.

Ces situations ne sont pas des cas isolés dans le département de Madre de Dios. Réputée pour ses mines d’or et pour l’extraction du bois, cette région attire de nombreuses personnes à la recherche d’un meilleur emploi. À plus forte raison, depuis 2007 a débuté la construction de la route interocéanique passant par Mazuko, accroissant le flux d’arrivants. Dans ce contexte, les enfants sont les premières victimes de la précarité sociale et économique. Abandon, négligences, violences familiales, viols, exploitation dans le travail, prostitution, sont autant d’atteintes aux droits des enfants constatées dans cette partie du pays. Pour lutter contre ces dangers, l’Association Huarayo est active depuis 1998. Grâce au soutien de Terre des Hommes, elle est à l’origine de nombreuses initiatives, dont la gestion d’un réseau de quinze “defensorías” à travers le département. Parce que l’avenir de ces enfants est pour elle une priorité, l’Association Huarayo poursuit chaque jour son combat!

Nouvelles de « Niedelbarmi »


Le fondateur de ce projet bolivien, Juan Claessen, que Esperanza soutient depuis plusieurs années, nous donne, ici, quelques nouvelles fraîches…

Aux amis de Nidelbarmi ,

J’ai passé la responsabilité de Nidelbarmi, au début du carême, à Deysi Martinez pour les cinq centres de El Alto et c’est Claudia Oropeza qui garde celle des six centres à Potosi, ainsi que la charge de la formation pédagogique de nos 45 éducateurs. En tant que fondateur, j’assume la responsabilité de veiller à l’orientation fondamentale de service aux enfants et adolescents des milieux pauvres où s’est implantée notre fondation, qui représente une présence moyenne de plus de 1000 personnes chaque jour ouvrable. Avec vous, les amis fidèles de notre œuvre, je continue à garder le contrôle du financement et de la saine gestion économique de celui-ci. […]

Le point de départ du premier sujet que j’aborde est un mail d’une de mes anciennes paroissiennes de Franconville qui me présente le projet de sa nièce et de deux de ses amies de 19 ans qui s’intéressent à promouvoir l’écologie avec les scouts boliviens. Le message reçu par moi, ancien scout, me rappelle combien l’idéal de service vécu dans mon adolescence a été un point de départ d’un désir réalisé de faire de ma vie quelque chose d’utile dans la ligne de l’évangile. Le projet de ces jeunes files m’a éveillé à comparer ce que mes amis boliviens peuvent observer dans le comportement des jeunes touristes qui nous arrivent à l’époque des vacances (la saison sèche d’hiver, ici, en juillet et août) et qui est moins positif.

Nous les voyons, ces touristes, avec en main le guide touristique qui leur recommande les endroits à voir obligatoirement. Endroits où ils verront évidemment surtout d’autres touristes ou les commerçants qui les attendent. Cela nous fait souffrir de les voir passer à côté de la réalité d’un peuple vivant ici. J’ai fait la même erreur dans ma jeunesse. Il m’a fallu visiter, en 1983, un coin de campagne où j’ai été bloqué pendant trois semaines pour y découvrir un aspect de la réalité du peuple bolivien qui a été à l’origine de ma demande à mon évêque de venir servir en Bolivie. […]


Une de mes tâches reste, pour le moment, d’aider à trouver le financement de la marche économique de la fondation Niedelbarmi. Je m’explique : nous avons un président, Evo Morales, qui, plus que ses prédécesseurs, a le souci d’améliorer les conditions économiques des paysans et des vieillards. Il a donc décidé de publier un décret qui nous oblige à augmenter les salaires de 10% fin mars. Il a raison car le coût de la vie des familles est beaucoup plus élevé. En 2006, on payait 2 bolivianos pour 8 pains. Les boulangers exigent maintenant le même prix pour 3 ½ pains ! Mais, cette augmentation de 10% des salaires m’oblige à trouver l’équivalent de 8700€ supplémentaires pour l’année en cours et cela uniquement pour le chapitre salaires du personnel.


Ne paniquons pars ! Cela fait 15 ans que Niedelbarmi travaille et jamais la générosité de nos amis n’a fait défaut. Alors au travail. Aidez-moi ! […]

À bientôt peut-être…Justifier
Padre Jean Claesen.